Le Greta des Arts appliqués enseigne la polyvalence

Les métiers liés aux métaux précieux connaissent actuellement de profondes évolutions structurelles dues surtout à la mécanisation du métier, à la baisse globale d’activité et à la multiplication des situations de sous-traitance, explique françoise dax-Boyer, conseillère en formation continue au Greta.

« Le graveur ornemental, le ciseleur, l’émailleur, le laqueur sont progressivement devenus des artisans/artistes indépendants, qui donnent aujourd’hui une vision plutôt élitiste de ces métiers ».

Les marchés restent toutefois « ouverts » et vont de la haute joaillerie à l’orfèvrerie, de l’armurerie à la monnaie, des accessoires de mode à la bijouterie fantaisie, de la restauration d’objets d’art à la création d’objets design. Ainsi, ces métiers exigent-ils désormais une aisance manuelle et artistique accrue et une maîtrise des compétences, fondée sur la connaissance des nouvelles technologies et des nouveaux matériaux.

Enrichir son tour de main

La formation de « praticien polyvalent dans l’art du métal » a été créée il y a cinq ans. Conventionnée par le Conseil Régional d’Ile de France, elle donne lieu à 665 heures d’enseignement théorique et 140 heures de travaux pratiques en entreprise, pour un coût total de 7300 euros (488 euros pour les demandeurs d’emploi). Son objectif principal est de transmettre aux stagiaires un ensemble de savoirs destinés à étendre leurs champs de compétence dans l’art du métal afin qu’ils ne soient plus prisonniers d’une seule technique. « L’avenir est à la diversification, insiste notre interlocutrice. Le Greta des Arts Appliqués a reperé très tôt que les métiers d’art des métaux, souvent en mutation doivent faire face à des évolutions telles que les artisans se trouvent confrontés à de nouvelles situations de travail. À titre d’exemple, un graveur ornemental doit avoir une connaissance suffisante de la ciselure et du dessin pour s’ouvrir d’autres horizons professionnels tout comme un ciseleur doit posséder des notions de gravure ornementale, tournage d’art, monture en bronze, laque, émaillage sont donc enseignés dans le respect des traditions, en même temps qu’elles tiennent compte des évolutions des goûts, des usages et des débouchés professionnels contemporains. »

Par ailleurs, la maîtrise des nouvelles technologies constitue également l’un des thèmes forts de ce dispositif de formation.

« Aujourd’hui, l’informatique est devenu un outil indispensable, poursuit F. Dax-Boyer. Non seulement parce qu’avec Internet, l’on peut se faire connaître du plus grand nombre, mais aussi parce que l’ordinateur apporte une aide efficace sur le plan de la création. Le lancement du module 3D Studio qui familiarise les stagiaires avec les logiciels de conception et de dessin assisté par ordinateur illustre bien l’intérêt pour ces professionnels de ne plus se priver de cet instrument formidable. »

En outre, grâce au Fonds Social Européen, la formation a pu se développer dernièrement autour de deux nouveaux pôles : les techniques de laque naturelle et l’émaillage. Ce cursus, qui s’enrichira dès la rentrée prochaine de deux nouveaux modules en cours du soir (monture en bronze et tournage d’art), constitue donc un élément clé du développement des métiers d’art des métaux dans le sens où il favorise l’adaptation aux mutations et aux changements accélérés qui caractérisent la profession.

Depuis, chaque nouvelle exposition est l’occasion de découvrir avec ravissement de nouvelles oeuvres, qui toujours nous étonnent par la force émotionnelle de leur message inscrit dans la tradition séculaire… et pourtant si contemporaine

S’exprimer en toute liberté

Ce secteur, qui connaît actuellement une période favorable, permet aux stagiaires qu’ils soient demandeurs d’emploi, salariés ou en contrat de qualification d’envisager plusieurs voies de reconversion. « Les créateurs de bijoux, précise notre conseillère en formation continue, sont de plus en plus sollicités et les professionnels des métaux capable de naviguer à leur aise entre la restauration, le design mobilier et l’espace urbain sont également très demandés. Parallèlement, les entreprises du secteur sont de plus en plus impliqués dans cette formation. En effet, nous avons à traiter de nombreuses demandes de stages émanant d’enseignes spécialisées qui souhaitent accueillir des stagiaires pour éprouver leurs compétences et « plus si affinités ». Parmi celles-ci, citons entre autre Morisot, Niepce, Chardon… Les maisons de Haute Couture comme Dior, Ted Lapidus, Chanel, Saint Laurent, Lacroix s’intéressent également à nos jeunes artistes créateurs de lignes de bijoux originales. Enfin, les grandes marques comme Christofle, Arthus Bertrand, Cartier, Lalique sont sensibles à cette alliance de l’innovation et de la tradition, car elles voient là un moyen de sauvegarder l’excellence de leur savoir-faire« .

En ce sens, pour favoriser l’insertion des stagiaires à l’issue de la formation, un important travail pédagogique est mené qui permet à chacun de se bâtir un projet professionnel. Les professeurs assistent individuellement les élèves en atelier et les aident à assimiler les techniques qui leur font défaut. En 2003, l’accent a été mis sur la création de bijoux en laque sous la direction du professeur et artiste d’origine catalane, Olga Aloy. 

Les stagiaires ont pu à cette occasion prendre part à la préparation d’une exposition internationale de joaillerie qui s’est tenu en octobre 2003, à Itami, au Japon. Un jury de professionnels parmi lequel figure Gina Bruzzi, designer chez Mont Blanc à Paris, s’est réuni fin mai pour apprécier le travail des stagiaires engagés dans cette aventure. C’est ainsi qu’ont été remarqués les travaux de Rajâa Benjelloun qui, après une maîtrise d’arts plastiques et des études de calligraphie, est revenue à la création de bijoux, renouant en cela avec la tradition familiale, puisque son père est lui-même bijoutier.

« Son parcours de reconversion est passionnant, raconte notre interlocutrice, car elle apporte au bijou une dimension moderne tout en respectant la forme, le mouvement et l’esthétique de la calligraphie. Elle se situe au carrefour de la tradition et de la modernité, signant d’une empreinte très personnelle, ses bijoux. Son activité l’a entraînée au-delà des mots vers une zone lumineuse où elle peut s’exprimer en toute liberté, ce qui est le cas de beaucoup d’autres stagiaires» .